Les Moana's

Les Moana's

jeudi 24 juillet 2014

Trans-pacifique : en route vers les Marquises


Galapagos île San Cristobal : 0°56’ Sud / 89°36’ Ouest. TU – 6h

Départ le jeudi 24 juillet vers 16h30 heure locale, afin de passer les balises au sud d’Isabela au petit matin, et en profiter pour admirer l’île. 


3060 milles nautiques…

Et bien voilà, nous sommes en route pour les îles Marquises, les Marquises ! La Polynésie, ces morceaux de France du bout du monde… Je n’arrive pas à y croire, difficile de réaliser, on va vraiment le faire ? non impossible, la Polynésie c’est trop loin de chez nous… et pourtant notre bon vieux MOANA nous y emmène, tout doucement, mille après mille, il grignote la distance à parcourir.

L’Océanie. La Polynésie fait partie du continent Océanien, celui que l’on oublie dans les livres d’école… et pourtant l’Océanie représente la moitié du globe, et ce ‘continent’ est constitué en majorité d’eau salée, une minorité de terres composées d’îles éparpillées comme semées par quelque divinité. Alors évidemment, le Pacifique Sud se parcourt en voilier, c’est le meilleur (l’unique) moyen d’en comprendre son âme, sa culture, prendre conscience de sa taille et de l’isolement des populations. Le Pacifique Sud a toujours attiré les voyageurs, et particulièrement les navigateurs, et il en sera toujours ainsi. Nombreuses sont ses îles qui resteront inhabitées, car loin de tout et difficiles d’accès. L’utopie des mers du sud perdure…

La méditerranée, c’est la mer au milieu des terres, l’Océanie c’est l’inverse, des îles au milieu de l’océan…


Nous sommes seuls au monde, nous naviguons sur le plus grand océan de la planète, on sent presque son immensité, sa puissance, sa respiration, cette longue houle qui vient du sud, le Pacifique vaste comme la moitié de la Terre. On se sent tout petits et on se fait tout petits, de peur de troubler l’océan. On passe au travers des vagues, le voilier ouvre notre route, et l’océan se referme derrière nous, notre sillage disparaît, aucune trace de notre passage sur les flots. On se met à espérer que l’Homme ne laisse pas plus d’empreinte sur la Terre qu’un voilier sur l’océan… utopie ? et pourtant …

Les jours s’écoulent lentement, on est biens, sereins, les voiles sont réglées, on n’y touche quasiment pas, MOANA file, sans chocs, sans bruits, seuls le souffle du vent dans les voiles et l’eau qui coule le long de la coque. Le rêve de tout marin. Une trans-pacifique est souvent plus mouvementée qu’une transatlantique, pour nous ce sera notre plus belle navigation.

MOANA… le nom polynésien de notre voilier prend enfin tout son sens ici, on dirait qu’il est content, nous voguons sur l’océan. Il ne nous a jamais porté aussi vite sur autant de jours sans faiblir, avec un vent modéré mais constant. MOANA suit sa route sous pilote automatique, sans s’occuper de nous, d’ailleurs ça fait un peu peur…

On a le temps, on prend le temps, enfin ! Je passe des heures à regarder la mer, toujours la même et pourtant toujours changeante, une vague plus grosse que les autres, un oiseau, des poissons volants, des dauphins.

D’ailleurs le temps passe-t-il ? Nous sommes hors du temps, coupés du monde réel, et s’il n’y avait pas le journal de bord, je ne saurai plus quel jour on est, ni quelle date.

On lit, on a le temps de réfléchir, réfléchir à nous, à la vie, à la folie du monde moderne, on vit au ralenti loin de l’agitation, loin de cette vie que l’on a quitté momentanément, cette vie qui va trop vite, où tout le monde court et où l’essentiel s’est perdu. On a envie de crier au monde : Stop ! On s’est trompé, on se déshumanise, et on dénature la Planète, cela parait si évident en mer.


Je pense aux anciens, ceux qui sont partis d’Asie du sud-est il y’a plusieurs dizaines de milliers d’années, sur des grandes pirogues à voile, avec famille, animaux et nourriture, en direction du soleil levant, en suivant leur ‘chemin d’étoiles’ vers le Pacifique Est. A la recherche d’autres îles. Après avoir ‘conqueri’ les îles Fidji , les Tonga, les Samoa, les Cook… ils auraient atteint en premier les îles de la Société (dont fait partie Tahiti) et se sont établis dans cet archipel, ainsi que les autres archipels de Polynésie (Marquises, Tuamotu, Gambier, Australes), situé au centre d’un grand triangle que l’on appelle le triangle polynésien. Il y’a environ 5000 ans ils étendent leur navigation vers les sommets du triangle, Hawaï au nord, l’île de Pâques (Rapa Nui, cette île mystérieuse avec ses moaï aux regards tournés vers les étoiles) au sud-est, et la Nouvelle Zélande au sud-ouest.

Ils étaient autrement plus courageux que nous, ils ne savaient pas s’il y’avait une île pour eux, ni où elle se trouvait, et en plus ils naviguaient contre les vents dominants. Nous en comparaison, c’est facile, le vent nous pousse, on a connaissance de la météo, on a des instruments électroniques, des cartes marines, et surtout on sait où on va, vers quelle île, et à quelle distance elle se trouve. Il suffit d’avoir envie, d’aimer la mer, d’apprécier la solitude et de ne pas être pressé d’arriver.

En mer, comme en montagne sur les hauts sommets du monde, la solitude affirme combien nous sommes peu de chose face à l’infini de la Planète, l’infini de l’espace et du temps.

On devient poète et philosophe sur des navigations de plus d’une semaine. D’ailleurs on comprend que les navigateurs solitaires soient totalement déconnectés au bout de quelques mois, et qu’ils finissent par parler à leur bateau.

Ne pas être pressé. C’est la clef. En avion on aurait mis quelques heures depuis Los Angeles ou le Chili, quelques heures qui auraient passé bien vite en survolant l’eau, sans prendre le temps de réfléchir. Alors que là on comprend mieux que les îles de Polynésie et toutes les îles du Pacifique sont au milieu de ‘rien’ en langage terrestre, au milieu de l’océan. Des fois je me marre en pensant à tous ces gens qui ne vivent que par leur sacro-sainte bagnole, et qui trouvent leur compte en accélérant au maximum, s’ils savaient à quelle vitesse nous avançons en voilier…


Le chemin d’étoiles, comme des phares dans le ciel. Nous on suit la route inverse de celle des anciens, puisqu’on parcourt la route facile, celle des alizés de sud-est, qui nous emmène d’Est en Ouest. Notre étrave pointe vers le soleil couchant, la leur se dirigeait vers le soleil levant.

Les cieux sont magnifiques, la voie lactée est blanche, contrastée, brillante comme on ne la verra jamais plus en Europe, on est émerveillé par cette traînée qui va d’un horizon à l’autre. Pas de lampadaires, pas de pollution chimique ici. Il y’a beaucoup d’amas ouverts ou globulaires dans la voie lactée. Rien qu’avec les jumelles c’est un régal. Il me semble que les étoiles sont plus colorées aussi. Il m’aura fallu plusieurs nuits pour me familiariser avec le ciel du sud (encore proche de l’équateur) mais ça y’est j’ai mes points de repère. Au sud, le triangle austral, la couronne australe, la croix du sud. Et les nuages de Magellan que je trouve enfin au bout d’une semaine, je ne savais pas exactement leur position (pas trouvé sur la carte du ciel) à part qu’ils étaient au sud étant donné leur nom. Ils sont visibles en seconde partie de nuit, éclatants de blancheur à l’œil nu. Impossible de les confondre avec des vrais nuages qui eux paraissent gris sur le ciel étoilé. Au nord, il y’a toujours la Grande Ourse le soir, qui plonge doucement sur l’horizon à mesure que l’on descend dans les latitudes, et le M de Cassiopée en seconde partie de nuit. Le carré de Pégase est bien visible avec la galaxie d’Andromède facilement repérable à l’œil nu. Le grand triangle d’été aussi (visible chez nous l’été) avec Vega (la Lyre),  Deneb (le Cygne) et Altaïr (le Sagittaire). La constellation du scorpion que l’on ne voit jamais en entier dans l’hémisphère nord, est superbe ici, elle semble sortir du bras droit (le plus à l’ouest) de la Voie Lactée. J’ai retrouvé Orion avec plaisir, elle avait disparu du ciel, mais la voici à nouveau en fin de nuit. Les pléiades scintillent et sont magnifiques.

On pousserait bien le voilier jusqu’au Chili pour aller mettre l’œil derrière les télescopes géants, là où l’air est sec et où les nuits sont quasiment toujours claires, mais ce n’est pas à l’ordre du jour…

Il faut avoir vécu au moins une fois dans sa vie la magie d’une navigation à la voile sous les étoiles pour comprendre ce que signifie l’appel du large. Rien ne sera plus jamais comme avant, et la terre ou l’île désirée aura toujours un parfum d’escale…


La lune a fait son apparition au bout d’une semaine de navigation, quelques dizaines de minutes après le coucher du soleil, puis plusieurs heures nous ouvrant le chemin lumineux vers l’ouest, et enfin toute la nuit la dernière semaine, masquant les étoiles, remplaçant les nuits noires par des vagues scintillantes. La lune nous a offert deux levers magiques les deux derniers soirs, alors que le soleil avait déjà disparu à l’ouest, pleine, orangée, contrastée, même les enfants ont pu admirer ses cratères aux jumelles. 








Dans l’eau le spectacle est splendide aussi. Le plancton fluorescent éclaire la carène du bateau et on peut passer de longues minutes comme hypnotisé à le regarder briller, il apparaît dans la vague d’étrave, longe la coque et disparaît dans le sillage, pour réapparaître à nouveau, indéfiniment jusqu’à ce que le soleil nous amène un nouveau jour. Il faudrait que tous les enfants de la Terre voient ça.


Un matin plus que les autres, je médite (encore…) je me dis que je suis bien, seule, à l’aube, les enfants et Guy dorment encore. Derrière nous le soleil levant colore le ciel et les nuages à l’horizon. C’est un de ces matins fabuleux, sereins, lumineux qui n’existent qu’en mer, un matin où l’on jurerait que le monde a été refait pendant la nuit. Et les dauphins sont au rendez-vous, pour me confirmer que oui c’est une belle journée. Ils vont à l’avant, mais moi je suis coincée à la barre car le pilote automatique a lâché, alors le temps que je reprenne le bon cap, l’un d’eux revient vers le cockpit et fait deux sauts hors de l’eau pour se manifester, comme s’il m’appelait… ? oui oui les amis j’arrive, je vous ai vu, attendez-moi. Je vais à la proue et je les regarde onduler et jouer dans l’eau, ils sont beaux.



MOANA joue au vaisseau spatial, découvrant une planète inconnue au bout de sa route. Il y a des points communs entre un vaisseau de l’espace et un vaisseau sur l’océan (même mot anglais ‘ship’). Le voyage entrepris est long, l’équipage est isolé et confiné, le milieu extérieur est fascinant mais hostile.

En navigation, l’imaginaire s’envole et prend de grandes proportions, la réalité, l’autre réalité, celle que l’on a laissé derrière nous paraît lointaine, stupide, irréelle et dérisoire.

Ma place préférée : à la proue. Je regarde l’horizon, l’océan, je respire à fond un air si pur et si sain, et je pense, je réfléchis. Des fois ça me fiche le blues car j’aimerai que ceux que j’aime soient là pour partager ces moments de bonheur, et puis il y’a tous ceux qui ne font plus partie de ce monde et à qui je ne pourrai jamais raconter notre voyage. D’autres fois ça me rempli de force et d’espoir pour le futur, et je me dis que rien n’est impossible. Je suis bien, je voudrais que ça ne s’arrête jamais, et je veux en profiter au maximum, imprimer cette navigation dans ma tête, et ne pas l’oublier. C’est la dernière grande navigation à bord de MOANA.

J’aimerai nous voir de là-haut, petite tâche blanche au milieu de l’immensité bleue marine, qui avance à la vitesse de la tortue.

Je scrute l’horizon, on ne sait jamais, peut-être un autre voilier fait route à côté de nous, c’est surement le cas, mais on ne verra personne, faute à notre mauvaise vue et à la rotondité de la terre. On sait qu’un copain (rencontré aux Canaries) est passé au large des Galapagos au moment de notre départ, alors il ne doit vraiment pas être loin… mais… où ? on fait quelques appels VHF sans résultat. On apprendra à notre arrivée aux Marquises, qu’il a touché terre le même jour que nous ! mais à Hiva-Oa, il était donc tout juste à côté de nous, c’est incroyable.



Des couchers de soleil toujours plus beaux et magiques, mais pas de rayon vert.



L’air était frais en partant des Galapagos, même froid la nuit et au bout de quelques jours il se réchauffe. L’eau de mer devient plus chaude aussi.

Nos quatre estomacs ont été bien malades au début, rien à voir avec le mal de mer, mais nous sommes partis de San Cristobal avec une bactérie, une saleté ? bu, mangé quelque chose de pas bon ? Manoa est le plus touché et pour lui ça durera près de 10 jours, on commençait à s’inquiéter, à se demander ce qu’on pourrait bien faire, les anti-diarrhées n’ayant pas d’effet, de toute façon perdus au milieu de l’océan, il n’y a pas grand-chose à faire… et finalement du jour au lendemain ouf il allait mieux.

Les enfants ne manquent pas d’activité, même si quelquefois ils semblent désœuvrés, et l’éternelle question ‘qu’est-ce qu’on pourrait faire ?’… ne dure heureusement pas trop longtemps. Il y’a les livres, les jeux de cartes et autres petits jeux de société, l’incontournable caisse de légos, et l’activité qu’ils préfèrent ce sont les dessins, et quelques coloriages. Ils inventent des dessins sur plusieurs thèmes, les pirates, les animaux de la mer, l’espace… et ensuite je leur découpe et ils jouent avec en s’inventant des histoires, ça prend moins de place que s’il s’agissait de vraies figurines (mais c’est plus sensible au coup de vent passant par le hublot L). Ils sortent souvent les puzzles, que je fais avec eux avec plaisir, je ne sais pas par quel miracle, entre les mouvements du bateau et le fait qu’ils les sortent tous en même temps, on n’a pas encore perdu une seule pièce. Evidemment les jeux de dés ou confection de colliers de perles sont délicats en navigation…

Louna joue beaucoup toute seule, alors que Manoa a besoin de compagnie.

Des matinées d’école sans prétention, et sans motivation, de courte durée. On progresse lentement.

Puis quelques mots fléchés, jeux de chiffres ou de lettres, et lecture dans le cockpit.

Au milieu du parcours (1530 milles), le 2 août, nous avons jeté une bouteille à la mer. C’est pénible d’être européen car toutes les cartes du monde sont représentées avec l’Atlantique au milieu, résultat le Pacifique est coupé en deux morceaux. Pas étonnant qu’on ait du mal à connaître ses îles et à se rendre compte de son immensité. Rien ne vaut un globe terrestre, qui n’a ni début ni fin, ni gauche ni droite, et qui garde les proportions des continents. La Polynésie a pourtant la même superficie que l’Europe, imaginez donc qu’on oublie de représenter l’Europe sur les cartes du monde… ! c’est honteux. D'autant qu’on a la ‘chance’ (en faisant abstraction des colonies et de l’esclavage) en tant que français d’avoir un patrimoine exceptionnel, partout dans le monde, différentes cultures, différents paysages, dans le chaud ou le froid, et la plupart sont inconnues des métropolitains.




Guy s’est enfin mis à la lecture, il était temps ! c’était maintenant ou jamais… Il a dévoré mes livres de chevets : les quatre œuvres de Bernard Moitessier que j’ai à bord afin de les relire et les feuilleter régulièrement. Finalement les lire dans le Pacifique à l’approche d’îles où l’auteur a vécu, c’est le meilleur endroit. Je suis contente. Et il les a apprécié, ce n’était pas possible autrement, dévoré un par jour, et deux jours pour le dernier plus volumineux !



Durant la première semaine, le vent monte souvent le soir, on réduit la voilure ou pas selon l’état de la mer, on file alors à 8 ou 9 nœuds, c’est grisant. Puis le vent faiblit en seconde partie de nuit, alors on se ‘traîne’ à 5-6 nœuds.

Pendant cette navigation de 20 jours, on aura connu seulement trois allures différentes (travers, grand largue et arrière), avec un cap toujours tenu à 250°. Bien sûre il y’a toujours des petits réglages mais dans l’ensemble, on a très peu manœuvré, pas de fatigue de ce côté-là.

D'abord du vent de travers (secteur sud) avec vagues de travers (mais pas la houle de 3m prévue, ouf), les deux voiles sur tribord, provoquant un peu de gîte. Ensuite le quatrième jour, le vent tourne un peu au sud-est, on se retrouve grand largue, les deux voiles toujours à tribord mais le génois tangonné, pour que la GV ne le dévente pas trop. Puis une semaine plus tard, les voiles en papillon, avec un vent de sud-est, moins de gîte mais un peu plus de roulis car les vagues viennent toujours de ¾ arrière. Une semaine avant l’arrivée, on naviguera avec les 3 voiles, génois à bâbord tangonné, trinquette et GVoile à tribord car moins de vent. Pour finir à partir du lundi avec seulement 2 voiles, en vent arrière.

Les alizés étaient présents dès le début, la zone du pot-au-noir est restée bien au nord de nous, coup de chance. Car souvent la trans-pacifique commence par quelques jours un peu chaotiques avant de toucher du vent régulier.

Pas eu besoin d’envoyer le spi, contrairement à ce que pensaient Carole et Jérome. Les allures ne dépendent pas des voiles, mais de l’angle du vent par rapport au voilier. L’allure grand largue est l’allure située entre le vent de travers et le vent arrière.

Vitesse moyenne sur la totalité : 6,4 noeuds

Nombre de milles par jour : moins régulier que pendant la transat, moyennes oscillant entre 125 milles (5,1 nœuds) et 180 milles (7,5 nœuds).

le Record : 211 milles (8,8 nœuds) le second jour, notre grand record avec MOANA ! (encore plus que les 171 en partant de Bonaire en mai) probablement avec l’aide d’un courant favorable, car le vent n’était que de 10-12 nœuds, et on n’était pas accroché à un cargo.

Vitesse max : un surf à 12,5 nœuds (ça ne dure que 3 secondes).

Du vent entre 10 et 15 nœuds au début, un passage de quelques jours à 8-10 nœuds, pour terminer entre 15 et 20 nœuds. On ne sait pas exactement, les cuillères du Tacktick sont grippées, elles ne tournent plus, c’est donc des estimations, entre les prévisions météo et ce qu’on a ressenti.

Des petits grains alentour, mais très peu de pluie sur nous, et quasiment pas d’accélération de vent.

  

Nous sommes partis des Galapagos avec notre dernière bouteille de gaz déjà entamée (pas eu moyen de faire remplir là-bas). Au bout de 12 jours, les produits frais étant mangés, on a arrêté le frigo pour économiser le gaz. Ce qui nous a permis de faire du pain, des gâteaux, des tartes… et faire cuire les féculents sans avoir peur de tomber en panne. Heureusement aucun problème pour faire la cuisine pendant cette grande navigation, voilier stable. La cuisson des gâteaux/pain/pizza… se fait maintenant au barbecue, c’est beaucoup plus rapide et bien meilleure qu’à la poêle. Quant au four, ça fait longtemps qu’on a laissé tomber, il ne chauffe pas assez.


Un délicieux crumble : 

 Pêche :  pas mis la ligne au début car on était tous pas très bien et on n’avait pas envie de vider un poisson ni de le manger. 2 grosses prises le même jour, un monstre marin encore qui a emmené ligne et hameçon. Et un énorme Thazard (que l’on a d’abord pris pour un Baracuda, mais il n’avait pas la même nageoire dorsale que ses frères des Caraïbes) 1m10 de long, on l’a relâché. On s’est contenté de thon en boîte, et de pâté (merci Jean-Pierre). 



Et en plus il a mordu Guy…
(non en fait la capitaine s’est vautré sur la filière, la faute à un vilain coup de roulis non prévisible…)



Pas beaucoup d’énergie, vent pas très fort, et venant de l’arrière. On a fait tourner un peu le moteur, pour l’énergie et le dessalinisateur, qui fonctionne toujours qu’à moitié (une membrane sur les deux).


Le bas-hauban à bâbord était entrain de lâcher, 3 câbles cassés dans le sertissage. Et 10 jours plus tard, idem pour son frère à tribord. Il s’agit des deux bas-haubans les plus récents (sans parler du neuf changé à Grenade il y’a 3 mois), ceux changés à Trinidad pendant le tour de l’Atlantique des anciens propriétaires.


Guy n’a pas de quoi les changer, ceux usés mais pas cassés, en stock ne sont pas de la bonne longueur, donc il les renforce, ça tiendra.




Des dauphins, seulement trois fois pendant ces 20 jours. Ils nous ont manqué un peu, on avait pris l’habitude de les voir plus souvent.



Lorsqu’on a tangonné le génois, nous sommes restés une bonne vingtaine de minutes à l’avant Guy et moi, le tangon est un truc vraiment archaïque et pas facile à mettre en place, et puis le crochet est grippé (encore un truc pas fait sans doute pour l’air marin L). Mais cela nous a permis de voir arriver un gros poisson, tout droit sur nous, et oh surprise il s'agit d'un requin marteau de 2m de long ! Il fonçait sur la proue du navire, et au dernier moment apercevant la grosse masse de MOANA, il a tourné à 90° et a filé. Coup de bol de l’avoir vu.


Des oiseaux en petite quantité mais tout au long de la navigation. Deux soirs de suite, un grand oiseau blanc a joué à l’avant du bateau pendant des heures, il volait entre les voiles. En fait de blanc, il était éclairé par la lumière du bateau.


Nombre de poissons volants morts sur le pont : 60, et le 61 unième dans la baille à mouillage trouvé à l’arrivée.

Nombre de calamars : 7




Le matin on fait le tour et on ramasse les poissons volants et calamars, attirés par les lumières du bateau pendant la nuit. Manoa enfile le gros gant et les bottes et au boulot ! Finalement quand je disais que le voilier ne laisse aucune trace de son passage, zut, c’est faux, car on est responsable de beaucoup de morts. On a même eu un calamar dans le lazy-bag, c’est incroyable, il s’est pris pour un oiseau ou quoi ? incompréhensible d’autant que les vagues n’ont jamais submergé le pont. 




Des gros poissons

Ou des tout petits :


Très peu de bateaux. Vu 3 bateaux de pêches, dont un à 1000 milles des Galapagos, et un autre à 550 milles des Marquises. 1 bateau militaire sans AIS. 2 cargos le même soir, on était pris en sandwich (façon de parler car ils sont passés à 10 milles) l’un faisait route vers l’Australie, l’autre vers le Chili).


Notre téléphone satellite Iridium nous permet pendant les grandes navigations de prendre la météo et d’envoyer nos coordonnées par SMS. Les messages sont peu consommateurs, mais il n’en est pas de même pour la météo, car souvent le temps de connexion est très long, et le rapatriement des fichiers météo aussi.

On se rend compte un peu tard que nos unités restantes ont pris un coup dans l’aile. 9 minutes restantes le 30 juillet, et plus que 3 le 4 août. A mon grand regret, on a été obligé de réduire et espacer fortement les envois de messages avec nos coordonnées. Quant à la prise de météo, impossible à présent. On n’est pas trop inquiets étant sous un régime d’alizés, mais on a tout de même demandé à un copain en France de nous l’envoyer tous les 3 jours.


En parallèle Guy prend la météo par radio (BLU), on connaît les heures d’émission pour notre zone, et il réceptionne les fax sur l’ordinateur. C’est gratuit mais pas toujours très lisible, il y’a beaucoup d’interférences. L’émetteur est situé à Hawaï, logiquement plus on se rapproche, plus la qualité augmente.


Partis le 24 juillet, 7 jours plus tard, le 31 juillet, nous avons effectué un tiers du parcours.

Le 3 août la moitié du chemin est avalé, soit 1530 milles.

Le 6 août, il nous reste un tiers, soit 1020 milles à parcourir.


Lundi 11 août

7h du matin, il reste 285 milles avant d’atteindre les Marquises, le décompte a commencé.



Mercredi 13 août

1h du matin 

Ça y’est, les sommets de la première île des Marquises sont visibles, nous sommes à 10 milles de Ua-Huka que l’on contourne par le sud, et 40 milles de Nuku-Hiva notre destination, première escale de la ‘Terre des Hommes’ (ancien nom des Marquises) ‘Fenua Enata’ en marquisien.




Nous sortons notre dernier pavillon du stock, le plus beau ! Celui de la Polynésie. Au centre la fameuse grande pirogue des anciens, avec double coque, les 5 croix ressemblent à des hommes, et je suppose qu’elles représentent les 5 archipels.



 8h 

On distingue les sommets de Nuku-Hiva, on s’approche du cap Tikapo (pointe sud-est de l’île) avec ses falaises plongeant dans l’océan, c’est grandiose et vertigineux.




Une fois n’est pas coutume, nous arrivons sous un beau soleil, très peu de nuages sur les sommets.

10h



Nous nous dirigeons au milieu de la côte Sud, pour entrer dans la baie de Taiohae, village principal de Nuku-Hiva. Clearence obligatoire pour l'entrée en Polyénsie, soit ici, soit à Hiva-Oa.




Photo pour Claire, bizarrerie géologique à l'entrée de la baie. Manoa est persuadé qu’il s’agit de l’emplacement d’un trésor.




Deux raies mantas nous souhaitent la bienvenue, on les suit un moment avant de jeter l’ancre à côté d’un catamaran. Il y’a une quinzaine de voiliers au mouillage.



Ca y’est nous sommes aux Marquises, et nous allons pouvoir parler français, pour la seconde fois du voyage.

Il y’a des va’a (pirogue polynésienne de course) qui passent, une vahiné aux cheveux longs et noirs sur la plage (fleur à l’oreille), et la peau des marquisiens est à peine visible sous leur tatouage. Pas de doute, on est bien arrivés.




Nuku-Hiva :  latitude 8°55’ Sud / longitude  140°10’ Ouest

Quittés les Galapagos à TU – 6 heures, nous sommes aux Marquises à TU – 9,5 heures, il y’a une demi-heure de décalage avec les autres archipels de Polynésie et Tahiti, situés plus à l’Ouest, là-bas c’est TU – 10h, ce qui avec la métropole, fait pile 12h de décalage en été.

Nous continuons de remonter le temps, 3h30min en moins pendant cette navigation.

Environ 50° de longitude, ce qui fait 3x15° + 5°, 3 fuseaux horaires et un tiers. Etant proche de l’équateur, on peut considérer (comme pour la latitude) que 1° -> 60 milles.



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Cette navigation fut comme un rêve éveillé, beaucoup plus belle et plus facile que la transatlantique. De bonnes conditions, du beau temps, un ciel bleu parsemé de quelques grains insignifiants (rien de comparable avec les forts coups de vent et pluies diluviennes en Atlantique), une voûte céleste envoûtante, un vent modéré et constant, une mer peu formée rendant le quotidien presque confortable (pour un bateau), les étoiles, la lune…, un océan pacifique. Bien sure il y’eut quelques moments de fatigue, mais pas de coups durs ni de ras le bol.



Un grand merci à AUTO, notre Pilote Automatique qui a tenu la barre sans faillir, sans lui la navigation n’aurait pas ressemblé à un rêve mais ce serait transformer en cauchemar. C’est une chose de prendre la barre par plaisir quelques heures, c’en est une autre de barrer 24h sur 24.


Cette page a été écrite sur papier au fil de l’eau durant ces 3 semaines de navigation afin de ne pas perdre le cours de mes pensées, pour moi, pour nous, pour vous, puis retranscrite sur ordinateur.


Merci à Dominique, Steph, Carole et Jérome, Franck et Papa pour avoir mis à jour notre position et donné des explications sur le site, pendant cette navigation.


la Trans-pacifique en Images et en Musique 'sur la route...' : film n°16 dans la page VIDEO 







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